Cela fait, malheureusement, belle lurette que la presse, les médias en général, ne sont plus un contre-pouvoir. Mais entendons-nous sur le terme : contre-pouvoir ne signifie pas être systématiquement « contre » le pouvoir ! La moindre des choses, en démocratie, c’est de respecter le suffrage universel, donc acter le choix des électeurs. Mais il ne peut y avoir de pouvoir sans contre pouvoir, ou alors nous ne sommes plus dans une démocratie.

Tout le monde ne semble pas entendre les choses de la même manière. Ainsi, le tout nouveau président Macron a estimé que son élection au 2e tour valait acceptation de son programme qu’il appliquerait sans défaillance. Où va-t-il chercher cela ? La majorité de ses électeurs du 2e tour ne voulait pas de Marine Le Pen, c’est tout. La meilleure preuve : au 1er tour, moins de 19% des électeurs inscrits ont voté pour Emmanuel Macron. Et donc son programme.

Nous sommes loin, très loin, d’une majorité.
La démocratie ne peut pas s’exprimer qu’une fois de temps en temps lors des élections politiques ! Souvent les élus aimeraient que cela soit ainsi ! Entre deux élections, le citoyen retourne dans sa niche et attend patiemment le prochain scrutin. La démocratie sociale, par exemple, est un moyen d’expression citoyenne permanent, tant dans la cité que dans l’entreprise.

Ainsi, pourra-t-elle s’exprimer si M. Macron a décidé par exemple de s’attaquer au code du travail par ordonnance sans que s’exerce la démocratie sociale! La majorité qui a voté pour M. Macron n’est sûrement pas d’accord pour liquider des textes qui protègent les salariés ! Les intentions du président de la République sont très préoccupantes en matière de respect de la démocratie sociale et de l’acceptation de son rôle de contre-pouvoir.

De son côté, la presse a été très longtemps appelée le 4e pouvoir en plus de l’exécutif, du législatif et du judiciaire. Ce pouvoir devrait exprimer l’opinion publique tout en fournissant des informations concrètes avec une vérification des sources. Elle constitue un moyen de contestation qui informe l’Etat de certains mécontentements des citoyens. Cela ne l’empêche bien évidemment, de soutenir telle ou telle vision de la société, c’est ce qu’on nomme le pluralisme.

Or, depuis de nombreuses années, tout cela a quasiment disparu du champ médiatique. Ne parlons pas de la télévision ou de la radio, mais hormis deux ou trois titres de la presse écrite, celle-ci est également devenu plus ou moins le porte-parole des choix gouvernementaux. Elle a donc abandonné son rôle de contre-pouvoir et les citoyens dans leur immense majorité, la considère comme une simple institution liée au pouvoir.

Le meilleur exemple c’est le niveau de relation des faits et gestes du président de la République. Cette « macronmania » qui semble avoir contaminé tous les médias est ridicule, voire infantile. Ainsi, il s’est trouvé des journalistes pour analyser une poignée de main entre Trump et Macron, pour vérifier sur photo lequel des deux a serré plus fort que l’autre… Et ce n’est pas Gala ou Voici, mais bien le journal dit de référence Le Monde qui s’amuse à te tels balivernes.
Même le traitement politique du G7 a donné lieu à des propos dithyrambiques sur le président Macron : sauf qu’on ne parle que de posture, d’images, de mise en scène. Car ses propos sur le déroulement du G7 sont d’un creux abyssale et ne reflète en rien la réalité.

Il a fallu s’en remettre aux médias allemands pour entendre Mme Merkel fustiger le président des USA en déclarant sans ambages que « ces USA là ne sont plus des partenaires fiables pour l’Europe et que l’Europe devait trouver d’autres partenaires avec lesquels travailler ». La Chancelière n’a pas eu besoin d’une poignée de main pour apparaître comme la vraie dirigeante européenne qu’elle est, sans glamour, ni trompettes de la renommée…

Cette mise en scène de M. Macron comme le super de tout, superman, superprésident, superintelligent, supertalentueux… a un nom : c’est le culte de la personnalité, c’est vendre la fausse croyance de l’homme providentiel qui va être le sauveur suprême. Cela peut marcher un temps mais pas tout le temps. Seuls comptent les actes : quand les retraités verront que leurs revenus vont être ponctionnés pour financer la suppression des cotisations sociales et que les salariés seront obligés, tôt ou tard, de souscrire à des assurances privées pour se soigner rognant ainsi encore plus leur pouvoir d’achat, la réalité reprendra le dessus.

Oui, mais tout cela ce sera après les élections législatives : pour l’heure, il faut rassurer le peuple pour qu’il donne à M. Macron une majorité absolue à l’assemblée nationale avec des députés dont on n’attend qu’une chose : vote et tais-toi. Pour faire passer sans dommage, entre autres, les mesures que je viens d’évoquer.
Raison suffisante, pour que, par notre vote, nous fassions de l’Assemblée nationale, un contre-pouvoir à celui de l’Elysée : ne pas mettre tout ses œufs dans le même panier est un proverbe qui garde sa pertinence surtout en face d’un « superdécideur »…
Michel Muller