Dans ses dispositions le plan local d’urbanisme adopté en 2013 (PLU) applicable à la commune de Wattwiller prévoyait la protection du « Grand pré » de la rue de Cernay.
Préserver un espace de biodiversité  au cœur du milieu urbain et maintenir  la qualité paysagère du lieu, justifiaient la préservation de cet espace de plus d’un hectare et demi dans le cadre du PLU adopté par la précédente municipalité.

« La prise en compte de l’environnement sur le territoire de Wattwiller est particulièrement vertueuse et en particulier les corridors écologiques clairement identifiés et protégés » avait même  déclaré, en son temps, l’autorité préfectorale habilitée à agréer le PLU.

Mais en 2015 le Tribunal administratif de Strasbourg annule ce document d’urbanisme au seul motif d’un un vice de procédure (intervention d’un élu au cours de l’enquête publique – sur suggestion du bureau d’étude). Le contentieux avait été initié par un groupe de citoyens propriétaires fonciers de la commune qui espéraient voir leurs terrains prendre de la valeur.

D’ordinaire, une telle situation qui ne porte que sur un simple point de procédure peut être facilement corrigée à la demande du maire. En effet, il lui suffit de demander au Tribunal administratif de surseoir à statuer et d’apporter au PLU initialement annulé, la correction nécessaire. En l’occurrence tout à fait mineure.

Mais entre temps, changement de majorité : M. Schellenberger, présenté comme le jeune loup de la droite locale, intronisé par le député sortant M. Sordi, devient  maire de Wattwiller. Curieusement, la nouvelle  municipalité accepte l’annulation du PLU et décide tout bonnement d’en établir un nouveau  au motif principal de la réalisation d’un nouveau complexe « écoles primaires/ maternelle/ accueil périscolaire ». Et, comme par magie, le « Grand pré » devient désormais constructible pour l’essentiel.

Les propriétaires fonciers concernés pourront évidemment réaliser une plus-value, ce qui n’est certes pas interdit. Mais étrangement, cela bénéficie à deux membres du conseil municipal de M. Schellenberger, qui étaient également les principaux animateurs du groupe de citoyens de la commune opposé aux PLU annulé qui préservait le Grand Pré.

Conflit d’intérêt ou simple Dorfpolitik (politique de village) ?

Mais si l’intérêt financier de quelques-uns peut trouver son compte à cette modification de la règle d’urbanisation, il semble bien par contre que la non-protection du grand pré par ce nouveau PLU semble en contradiction avec un autre document d’urbanisme applicable  et qui s’impose légalement: le schéma de cohérence territoriale (SCOT) dont le caractère prescriptif a été renforcé par la loi dite « Grenelle 2 ».

La stratégie d’urbanisation pour la commune exposée dans le PADD (Plan d’aménagement et de développement durable, clé de voûte d’un PLU en termes d’enjeux démographiques, économiques, sociaux et environnementaux pour l’aménagement de la commune) est globalement identique dans le nouveau et l’ancien PLU, à l’exception notable de la préservation des paysages remarquables qui est désormais, curieusement, à peine évoquée.

Le PLU annulé pour vice procédural – seule irrégularité relevée par le Tribunal administratif sur les 23 points soulevés par les demandeurs de l’annulation –  définissait une zone (dite AU2 en règlementation d’urbanisme) qui de facto permettait déjà la réalisation du « complexe écoles/accueil périscolaire » justificatif du recours contentieux devant le T.A de Strasbourg… Il n’y avait donc aucune raison de modifier le PLU pour réaliser ce complexe: il était déjà intégré dans l’ancien…

M. Schellenberger se soucie manifestement peu de la protection de la nature

Wattwiller est un joli village niché au pied de la montagne vosgienne qui fait de son environnement un atout entre autres pour la valorisation des produits locaux, dont la fameuse eau de Wattwiller.

Mais dans le projet de nouveau PLU on peut estimer que les objectifs en termes de protection des paysages sont désormais absents comme les nombreux documents d’urbanisme disponibles l’établissent :

  • absence de l’objectif de protection des paysages dans le rapport justificatif,
  • disparition de la mention de la zone « Grand pré » dans les éléments graphiques du document de travail du PPADD permettant désormais l’urbanisation du grand pré (malgré une petite coupure « verte »),
  • création d’une zone qui organise de fait désormais l’urbanisation du « grand pré » (malgré une petite coupure verte centrale) conduisant à la destruction de la perspective remarquable depuis la route des vins et à la fin de la carte postale « Wattwiller village clairière, porte d’entrée remarquable du Pays depuis la Route des Vins »…

Les dispositions du SCOT ne sont de fait pas respectées.

On aura compris que si le PLU adopté en 2013 prenait en compte l’espace « grand pré » dans une approche de respect de la biodiversité et de qualité paysagère, de préservation d’un espace pâturé en milieu urbain, de vision d’aménagement, le projet du nouveau PLU semble manifestement prendre en compte des approches et intérêts très différents.

M. Schellenberger, maire de Wattwiller, n’habite toujours pas à Wattwiller, il pourra donc toujours continuer de ne pas être personnellement concerné par ces questionnements qui relèvent manifestement pour lui d’un simple « intégrisme écologique » et rêver d’un destin national à l’Assemblée voire plus… On peut toujours rêver à condition que la patrouille ne vous rattrape pas et tant que les électeurs ne perçoivent pas les vrais intérêts qui vous animent.

A suivre, évidemment…..

Christian Rubechi