Rappelez-vous, en juillet 2015, l’alors Ministre de l’Economie de M. Valls imposa, à coup de 49-3, une loi libéralisant le transport national par autocar. Cette loi devait mener à la complémentarité des modes de transports, entre le rail, l’aérien et la route.
Rappelez-vous : ces dernières avaient arrêté le travail le lundi 24 octobre à 16 h 38 pour protester contre les inégalités salariales entre les hommes et les femmes.
Cela devait aussi désenclaver les territoires et, surtout, permettre aux moins fortunés de voyager puisque un trajet Strasbourg – Paris par Flixbus vous coûtera entre 15 ou 30 euros en fonction de la date choisie contre 107 euros en TGV. Evidemment, vous aurez le temps de voir le paysage puisqu’il vous faudra 6 h 20 pour atteindre la capitale là où le train en met un peu moins de 2 h… Mais bon, admettons, si Paris ne vaut plus une messe, elle vaut bien quelques miches endolories…
On nous promettait la création de 22.000 emplois, des entreprises allaient fleurir quasiment dans chaque ville… oubliant juste que la plupart d’entre elles n’ont pas de gare routière…
Il y eut bien quelques voix qui s’élevaient pour s’interroger si c’était vraiment une bonne idée de multiplier les autocars sur des autoroutes déjà pas mal encombrées par les poids-lourds, rien que l’A36 et l’A35, c’est déjà quelque chose, mais si vous prenez l’A1 de Paris vers Lille… l’enfer !
D’autres s’interrogeaient si cela était vraiment opportun en pleine période d’application de la COP 21 dans laquelle la France voulait être l’élément le plus vertueux.
Car pour le bilan carbone, le bus devra repasser ! Quand un TGV émet 13 grammes de CO2 par km, l’autocar en émet 10 fois plus, 130 grammes !
Mais tout cela fut balayé. M. Macron rappelant même que les TER étaient la plupart du temps vides ou peu occupés. Il ne devait pas prendre souvent le Mulhouse – Colmar ou Strasbourg… Mais peu de monde mis cette contradiction entre la politique sur l’environ et celle sur le transport du gouvernement en évidence.
Alors, où en sommes-nous aujourd’hui. Eh bien, il y a bien eu près de 4 millions de passagers, des lignes interurbaines ont été ouvertes, 200 environ…Par contre, nous sommes loin, très loin, des 22.000 emplois puisqu’on en compte tout juste… 1.450 ! Et encore, une des six sociétés d’autocars, Mégabus, est en train de fermer en licenciant 175 salariés.
Evidemment, les prix bas et la concurrence féroce entre les opérateurs conduisent à des problèmes économiques. Pour un des acteurs, Transdev, filiale multinationale de la Caisse de dépôt et de Véolia, aucune ligne n’est véritablement rentable et ses pertes se comptent à une dizaine de millions d’euros par an. Le géant allemand Flixbus, 47% du trafic en France, lui, commencent à supprimer des destinations et dégage des bénéfices grâce à ses 90% du trafic allemand.
Dans ces conditions, pas sûr que les 22.000 emplois se concrétisent un jour. D’autant plus que le taux de remplissage des autocars n’est que de 40%, pas beaucoup mieux que les TER…
Mais c’est la SNCF qui tient le pompon : elle a créé une filiale de bus, Ouibus, pour se faire la concurrence elle-même en quelque sorte. Cela lui a coûté 250 millions d’euros sur la seule année 2015, en renflouant en plus des pertes à hauteur de 50 millions d’euros.
Sa consoeur allemande, la Deutsche Bahn avait imaginé un parcours identique dès 2013 date de libéralisation du marché allemand, mais en mesurant le poids des pertes accumulés, elle a vite jeté le manche.
En un an, la loi Macron a réussi l’exploit de déstructurer massivement tout le secteur du transport. Elle a justifié des fermetures de lignes ferroviaires dans des régions et a ainsi « réenclavé » des territoires. Le transport est devenu une compétence régionale en France et en privant les TER de passagers, le maintien indispensable de certaines lignes deviendra plus onéreux et devra être assumé par les contribuables.

Ainsi, une poignée d’entreprises d’autocar aura le monopole sur les lignes rentables pour lesquels elle pourra, tôt ou tard, imposer des prix de billet comme bon lui semble. Pour les passagers, ne resteront plus alors que les miches endolories…
Michel Muller