M. Straumann, le président du Conseil Départemental du Haut-Rhin, veut obliger les bénéficiaires du RSA à donner 7 heures de bénévolat par semaine à des associations. Non pas pour les stigmatiser, assure-t-il, mais « pour leur remettre le pied à l’étrier». Derrière la provocation et le « coup de pub » démagogique (que l’on s’abstiendra de commenter plus longuement), une vraie question : comment une personne au chômage peut-elle créer son activité, en étant correctement rémunérée ? La réponse : grâce à l’autogestion.

Le principe de l’autogestion est d’éviter de vendre sa force de travail à un tiers, souvent une entreprise capitaliste qui exploite les salariés pour le bénéfice de ses actionnaires. Il s’agit plutôt de créer, avec d’autres, une activité économique dont chacun puisse tirer un revenu décent.

Chacun et chacune peut devenir créateur de richesses ou fournir des services utiles aux autres. Pour ce faire, il faut sortir de l’isolement et s’organiser. Faire le point sur ses points forts et ses compétences, sur ses envies aussi, s’associer à d’autres personnes pour offrir des biens et services fiables.

L’autogestion repose sur un principe de responsabilité individuelle, si souvent revendiqué par la droite, mais aussi sur la liberté et la solidarité. C’est dans la discussion entre les individus, les « producteurs librement associés », que se détermine la marche de l’entreprise commune. Ce système où l’on s’organise pour coopérer efficacement repose sur un principe d’égalité démocratique : 1 homme ou une femme = 1 voix.

Nous proposons donc de mobiliser les énergies du Haut-Rhin par l’autogestion et non par le « bénévolat obligatoire », qui risque de prendre au dépourvu les associations elles-mêmes qui n’ont pas pour mission de contraindre et contrôler. Mais pour réussir, il est nécessaire de développer une culture locale de la coopération.

Les outils et les structures existent : les Coopératives d’Activités et d’Emploi comme Antigone, les associations qui proposent des « services solidaires » comme la Maison de la Citoyenneté Mondiale, l’Union Régionale des Scops qui aident à la création de structures autogérés, les formations en Economie Sociale et Solidaire comme celle de l’UHA à Mulhouse, etc.

Ce que nous proposons au CD68, c’est de véritablement soutenir ces structures d’accompagnement : on ne peut créer son activité et rencontrer les bons partenaires si on reste seul. Le besoin de conseil et de suivi est très important.

Un autre chantier pour le CD68 est d’obtenir un droit d’expérimentation pour améliorer le RSA dont le principe, très peu appliqué dans les faits, est de faciliter le retour à l’activité. Pour cela il faut simplifier drastiquement les conditions d’octroi des allocations pour s’approcher du revenu d’existence : le RSA doit être pleinement maintenu, sans recalcul, le temps de véritablement lancer son activité. Pour le moment le RSA reste une usine à gaz décourageante : dès que vous sortez un peu la tête hors de l’eau la CAF vous demander le remboursement de « trop perçus ».

Cessons de tenir un discours moraliste aux demandeurs d’emploi, appuyons-nous plutôt sur leurs rêves et leurs désirs. Reconnaissons l’importance qu’a prise l’individu dans nos sociétés. Le « libéralisme » – au sens de l’exigence d’autonomie et de l’accroissement des libertés personnelles – s’est imposé. Plus personnes ne veut entendre parler de collectivisme ou de planification, l’époque est à la réactivité, la mobilité, la créativité, l’expérimentation. Et c’est tant mieux ! Car individualisme et libéralisme ne veut forcément pas dire égoïsme, guerre de chacun contre tous  et soumission à l’oppression de l’exploitation capitaliste. Il peut aussi signifier épanouissement de chacune et chacun dans la libre association, mise en commun des talents et des énergies pour créer du neuf et de l’utile, tout en reconnaissant à chacune et chacun sa juste part, sa juste place.

La souffrance dans les entreprises mais aussi dans les services publics, le mal-être au travail, le harcèlement, le surmenage ont pris en France des proportions inacceptables, on va au boulot la boule au ventre ! Burn-out, dépressions, cancers, suicides… Un nombre croissant de chômeurs, jeunes et moins jeunes, sont marginalisé, sans perspective de trouver leur place dans la société, condamnés au désespoir. Les journaux, comme les statistiques de l’Insee, sont remplis de ces drames désormais quotidiens… Comment cela peut-il durer ?

Introduire plus d’autogestion dans les organisations privées et publiques permet de remettre à l’endroit une société qui marche sur la tête : l’humain d’abord, le profit ensuite. Car l’autogestion n’est pas contre la rentabilité, toute entreprise doit être rentable, tout service publique doit être efficace pour un coût de fonctionnement contenu. Mais le principe un humain = une voix permet de rendre leur dignité aux salariés comme aux usagers, de redonner un sens et des valeurs à l’activité économique.

L’individu n’est plus le rouage d’un système qui le broie mais un élément d’une société qui réfléchit sur elle-même. Au-delà des provocations, commençons par la construire ici, dans le Haut-Rhin.

Vincent Goulet, Alternatives et Autogestion 68

Le groupe Alternatives et Autogestion du Haut-Rhin vous invite chaleureusement à une soirée de rencontre et d’échanges sur le thème de l’autogestion jeudi 25 février de 18 h 30 à 20 h 30 à la salle du LIEN1 rue Paul Schutzenberger à Mulhouse (à côté de la place Buffon) avec quatre  invités qui présenteront leur expérience :

  • Hans Schmidt, du collectif « Die Fabrik », qui cogère depuis 1978 à Freiburg-im-Breisgau une ancienne usine transformée en lieu alternatif et autogéré
  • Jean-François Cerf, de la Coopérative d’Activité et d’Emploi « Antigone », qui permet à des particuliers de lancer leur activité économique dans un cadre salarial et mutualisé
  • Ludovic Ferez, responsable de la Scop « Le Relais Est » (collecte sélective, tri textile et chaussures) à Wittenheim
  • Roger Winteralter, qui a animé de 1977 à 2001 une expérience d’autogestion municipale à Lutterbach